Épisode 24
- JF
- 1 août
- 4 min de lecture

Chapitre 2
Adolescence chalonnaise
3 rue Edouard Branly
Et ce fut la nouvelle maison.
Rien à voir avec ce que nous venions de quitter, c’était l’un des nombreux pavillons, c’est ainsi qu’on les baptisait à l’époque, d’une cité destinée à loger les techniciens, ingénieurs et autres cadres, plus ou moins dirigeants, des diverses activités industrielles de la zone ouest de Chalon, parmi lesquelles, et non des moindres, figurait l’usine de Saint-Gobain.
Elle n’en était pas moins attrayante à nos yeux et Poupi et moi eurent toutes les grandes vacances pour l’explorer et en profiter.
Le transfert de Boisse-Penchot à Chalon s’était effectué en début d’été afin de ne pas perturber les sacro-saintes études scolaires.
Poupi étant inscrit dans une école primaire, j’étais, quant à moi, promis à une année de septième à l’école de la Colombière, afin de me préparer à l’examen, redoutable à mes yeux, d’entrée au collège en classe de sixième.
Cette épreuve assez élitiste et supprimée depuis pour cette raison, était une barrière, parfois infranchissable pour beaucoup de mes petits camarades, condamnés alors au simple certificat d’études, à condition qu’ils en réussissent les épreuves, mais dont l’obtention garantissait aux yeux de tous, leur maitrise convenable de la lecture, de l’écriture et du calcul.
Ce certificat a lui aussi été supprimé depuis et on peut légitimement se demander, à la lecture de nos jours de tant d’échanges épistolaires, de plus en plus fréquents à cette époque numérique, si ces abandons de contrôles scolaires n’ont pas été au nombre des erreurs politiques majeures.
Je range au même titre la disparition de la notation et des devoirs de contrôles divers propulsant, bien plus loin qu’ils n’en sont capables, des générations d’enfants, adolescents et étudiants qui, en fin de parcours, inadaptés dans ce monde de moins en moins manuel, sont condamnés à trainer une existence désabusée et bien loin de leurs rêves.
Mais ceci est une autre histoire et le fruit des méditations et réflexions du vieil homme un peu amer que je suis devenu.
Cette maison donc que nous venions d’envahir avait des attraits non négligeables. Outre ses trois chambres à l’étage, elle jouissait d’une remise et d’un garage qui allait bientôt héberger notre première voiture, une 4 Chevaux Renault flambant neuve conduite, prudemment au début, par papa et promesse de voyages et balades autour de Chalon et même beaucoup plus loin, lorsque plus tard, la 4 Chevaux fut remplacée par une Simca Aronde.
Elle disposait surtout d’un grand jardin, potager pour sa plus grande partie, en bordure duquel papa avait fait installer un portique avec balançoire, corde à nœuds et trapèze, particulièrement apprécié par notre petite sœur qui adorait faire « le cochon pendu ».
Tout près de la maison, papa avait aussi fait aménager un espace ceinturé d’une bordure de blocs de pierre maçonnés et qu’il avait fait remplir d’une montagne de sable de rivière.
Ce sable devint une inépuisable source de jeux et d’activités ludiques diverses et variées, au gré de nos imaginations.
Armés de râteaux, pelles et seaux, nous avons, durant des heures et même des journées entières, bâti châteaux, paysages de montagnes et de plaines, théâtres des affrontements sanglants de nos armées de soldats de plomb.
Des pistes tortueusement tracées voyaient nos courses acharnées de petites voitures « Dinky-Toys ».
Nous avions aussi imaginé un toboggan à billes absolument passionnant.
Il fallait pour cela rassembler le sable en un monticule, aussi élevé que possible, dont le sommet, façonné en cuvette, permettait aux billes de se déverser en roulant dans un premier couloir façonné en corniche sur les flancs supérieurs du tas de sable.
Un tunnel en pente venait ensuite, creusé dans la montagne à l’aide d’un manche de pelle, et qui voyait se précipiter les billes, entrainées par la pente, dans ce parcours souterrain, vers une autre corniche confectionnée plus bas à la sortie de ce premier tunnel.
Si la montagne était assez haute et le calcul des pentes correctement calculé, un deuxième tunnel conduisait à une autre corniche pour déboucher enfin sur la plateforme d’arrivée.
Chaque joueur disposait sa ou ses billes sur la plateforme de départ, fermée au préalable par une petite barrière de bois, juste avant l’entrée du petit entonnoir raccordant la plateforme au premier couloir.
Au signal, la barrière était levée, les bolides dévalaient le toboggan, le premier arrivé gagnant la course, permettant ainsi à son possesseur d’empocher les billes adverses.
Inutile de dire que les contestations étaient nombreuses et animées, les compétitions étant très souvent perturbées par des billes coincées dans les couloirs, quand ce n’était pas dans les tunnels, la récupération à l’aide du manche de pelle n’étant pas toujours couronnée de succès.
Il fallait alors recommencer l’ouvrage en espérant récupérer les billes perdues.
Pourtant rien ne nous décourageait et la colline et le parcours reconstitués voyaient à nouveau les compétiteurs s’affronter.
L’environnement de ce nouveau gite familial présentait d’autres atouts très intéressants que Poupi et moi, profitant de ces trois grands mois de vacances, entreprîmes de découvrir.
Côté jardin, à l’est de la maison, un très grand terrain vague se glissait entre notre clôture et une voie ferrée de desserte à l’usage des diverses entreprises de la zone.
Ce terrain vague se prolongeait vers le nord en s’élargissant jusqu’à rejoindre la route permettant de rejoindre Chalon depuis la cité, en traversant la voie ferrée par un passage à niveau.
C’était un espace librement offert à nos jeux et nous en usions sans limites et sans que personne jamais ne s’y oppose.
Côté entrée de la maison, la rue qui permettait d’accéder chez nous rejoignait une autre artère de desserte, formant avec elle et les clôtures de plusieurs autres pavillons, une immense place triangulaire engazonnée et qui, outre les activités ludiques et sportives auxquelles nous pouvions nous adonner, recevait parfois un cirque ou, et j’y reviendrai plus loin, un théâtre ambulant.
Nous disposions donc d’une palette de possibilités qui nous fit rapidement oublier le monde que nous venions, à regret, de quitter.
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